
Poésie tactile
J’ai besoin de dessiner pour fixer une idée de départ qui évolue au fil des essayages. Après, tout se concrétise, il arrive aussi qu’on modifie les croquis, les robes prennent vie dans la tête. Quand on a le sentiment de s’égarer, on les reprend. Ensuite, il y a la toile. Puis le premier essayage en tissu. Les contraintes techniques se dessinent, il faut les aborder, les détourner de façon positive. Le vêtement apparait. Il y a le jeu des couleurs, les maisons comme MD Teinture apportent une vibration au vêtement. La main est incontournable. Sans elle, il n’y a rien.
Les mains sont différentes d’une personne à une autre. Certains artisans ont une dextérité qui ont une magie pour sublimer une robe. Il suffit de regarder la façon dont une personne vous apporte une toile, la remettent sur le cintre, exprime un respect ou pas. Tout est dans la gestuelle. C’est le coeur de la haute couture, ce sont ces gens qui ne lâchent pas prise, qui ne renoncent pas au temps. La première d’atelier a en tête la capacité de transformer le croquis en 3D, lui donner une magie. Cette saison, j’ai opté pour des gazars, des guipures, l’une comme une carapace, une architecture très reliéfée, écrue, légèrement métallisée, et l’autre, ancienne, qui a un rendu de couleur très particulier que je ne trouve pas chez les dentelliers avec lesquels je travaille. J’aime son aspect à la fois rude et délicat dans le travail du fil. Ce n’est pas écru, ni craie, ni beige, c’est autre chose…J’aime les tissus ou très rugueux, un peu rustiques, autant que les gros satins cuir qui sont très denses, très sensuels, comme une peau. On obtient en le travaillant des volumes très particuliers. Les gazars permettent eux de structurer un vêtement, en légèreté. Parfois on pourrait y passer encore plus de temps. Parfois la réalité nous rattrape. Un vêtement est fini quand le rendu correspond à l’idée qu’on avait au départ. On y touche plus. Sinon, à force de trop les manipuler, de trop les torturer, ils finissent par se faner.